Le jeu!

Guillaume!
Alexandre!

Chang-Shi semble conscient d'un danger.

Le Jeu, mes amis... Le Grand Jeu est appelé. Huit Highlanders, un de chaque point cardinal, s'approche du Mont St-Michel. Ils ont entendus l'appel, eux aussi. Parmi ces huit, les deux membres de l'autre nation.

Et, parmi ces huit... L'Autre. Celui que nous ressentions aux assemblées. Celui qui nous échappe depuis des mois. Il sera présent.

Préparez-vous, mes amis. Mes frères. Car un jour rouge se lève à l'horizon. Un jour de sang, un jour de tuerie. Des étrangers viendront de contrées lointaines pour prendre vos têtes, vos vies, vos énergies.

Je suis un pratiquant de la paix, mes frères. Seulement, je ne permettrai à quiconque de prendre vos vies. S'il le faut, je les tuerai tous.

Tous.

Le temps de l'Assemblée approche à grands pas et même dans ce monde étrange, nous n'échapperons pas au Jeu.

Et bien soit. Dans la forêt des Murmures, j'ai vu mon reflet, et il avait beaucoup de sang sur les mains. Ce monde m'en ajoutera donc d'autre. Mes affaires m'amènent à passer plus de temps sur le continent, j'imagine que j'ai un risque accru de les rencontrer.

Mais l'île du Mont-St-Michel est terre consacrée, mon ami. Si vous souhaitez éviter l'affrontement, ils ne pourrons rien contre vous ici.

Quant à moi, si j'ai à les rencontrer, alors Apnu décidera de mon sort, comme avec tout les autres.

Mais d'où tenez vous ces informations mon ami? Je n'en sens pas encore autant de notre race que ce que vous décrivez. Est-ce le fruit de votre récent voyage?

Mais qu'allons-nous faire, Guillaume?

Nous préparer à nous tuer mutuellement lorsque la Fin arrivera?

Ou tout simplement se séparer, s'oublier, se détester afin que l'acte soit moins pénible?

Je n'ai pas l'intention de vous faire de mal, mon ami. Les pulsions du jeux peuvent être résistées, nous en sommes la preuve.

S'il n'en tient qu'à moi, nos fins seront décidées à la toute dernière bataille. Si je dois mourir à votre lame, ce sera une la meilleure mort que je puisses imaginer.

Aller mon ami, souriez! La fin n'est pas arrivé, il nous reste certainement plusieurs années, pour ne pas dire des siècles! Pourquoi s'apitoyer sur notre sort?

Ces nouveaux immortels, nous combattrons ceux qui cherchent notre perte, et nous ferons amis des autres!

Et que faire d'Alexandre, alors?

L'élèverons-nous, tel un fils adoptif? Lui lèguerons-nous nos connaissances, nos forces?

Ou l'élèverons-nous tel un porc? Le grossir, l'empiffrer pour ensuite l'abattre et se gaver sur la puissance qui en résultera?

Oui, l'Appel peut être résisté. Et pour le moment, nos pulsions peuvent être retenues et même redirigées vers d'autres. Mais tu le sais autant que moi... Notre nombre s'amenuisera, et éventuellement nous ne serons qu'une poignée.

Et lorsqu'il n'y aura que nous trois... Tirons-nous à la courte paille?

Ce sont des questions que l'on ne peut trouver de réponse, il est clair. Cependant, dans ce monde virulent et dangereux, il existe des dangers que nous devons garder en tête. Repensez à ces doubles qui nous ont déjà confrontés...

Vos pensées sont bien sombres mon ami! Est-ce la vision que ce vampire d'Asie vous à montré qui vous trouble ainsi, et amène votre esprit dans des contrés aussi déprimantes?

Et moi qui n'a plus d'eau-de-vie dans ma réserve...

J'enseignerai volontiers à Alexandre mes connaissances, sans malice et sans retenue, tout comme mon mentor l'a fait avec moi, et votre maître avec vous. Il prendra ensuite sa décision et si je dois le combattre, demain ou dans un siècle, ce sera avec le coeur lourd mais l'esprit résolu et la main ferme que je le ferrai.

Et puis pourquoi se préoccuper tant de ce que le futur lointain nous réserve? Nous ne pouvons rien y faire, nous sommes ce que nous sommes.

Vous et moi avons vécu assez de vies pour 50 hommes. Nous avons été heureux et misérable, amoureux et solitaire, serein et troublé, riche et pauvre, puissant et faible. Nous avons foulé la terre des trois continents et navigué les sept mers.

Et que je meure demain ou dans un millénaire, je le ferai le sourire au lèvre, d'avoir vécu toutes ces choses. Toute chose à une fin. Même les étoiles du firmament, un jour, cessent de briller. Nous aussi, disparaîtrons. Un jour, Anubis cessera de me protéger et m'emmènera dans sa barque. C'est le cycle de la vie et il s'applique à nous aussi.

Mais entre temps, cessez donc ces ruminations stériles!

Elle ne vous font que du mal. Tenez, vous devriez venir avec moi à Constance. J'y ai découvert un établissement ou les charmantes employées se feront un plaisir de chasser ces idées de votre tête. Moyennant une tout-à-fait raisonnable rémunération, bien sûr.

Peut-être que la noirceur de ce monde pèse sur mes épaules plus que je ne le croyais.

Il est difficile d'être témoin de toutes ses choses et de ne pas en sortir écorché. Qu'il soit physiquement, ou psychologiquement.

Chang-Shi secoue la tête lentement à propos de Constance.

Tu vis encore tel le lièvre... Serais-je la tortue? Incapable de changer, d'évoluer?

Je vous avouerai une inquiétude. Si je reste pris dans ce monde, alors je ne pourrai compléter la tâche que je me suis assignée, celle de préserver la mémoire de mon peuple. Ce la m'attriste grandement. Mais comme avec bien d'autre chose, je n'y peux rien, pour l'instant.

Et tant mieux si vous êtes la tortue à mon lièvre. Nous sommes les deux faces de la même pièce. Je vous retiendrai dans vos excès, et vous dans les miens. La balance sera maintenue et le nous serons ainsi en accord avec le Tao.

Ensemble, peut-être pourrons nous amener un peu de yang dans le yin de ce monde.

Pourquoi ne pourrais-tu préserver l'histoire de ton peuple?

Tu est encore vivant. L'air remplit encore tes poumons. Ton peuple n'est pas encore mort, car tu n'es pas encore mort.

Il n'est jamais trop tard pour se ressourcer. Jamais.