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 Le repos du guerrier

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David St-Michel

David St-Michel


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Date d'inscription : 20/11/2008

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MessageSujet: Le repos du guerrier   Le repos du guerrier EmptySam 8 Mai - 11:06

Le soir était arrivé. L’édifice qui servait de mairie était silencieuse, un contraste agréable au brouhaha qui sévissait durant les réunions des citoyens de la ville. Les lumières étaient presque toutes fermés, et il n’y avait qu’un individu qui était dans la salle de rencontre, plaçant tranquillement les tables et les chaises dans une disposition qui serait plus utile.

Les semaines précédentes avaient été mouvementées. L’histoire du Fort Drum s’était achevée (du moins, pour le moment). Un système de lois, bien que primitif, a été placé dans la vile. Les hommes-loups étaient victimes d’une guerre intestine, et nul ne savait quel camp vaincrait, ou si même il y aurait des survivants. Les Trois ont fait surface, devenant les nouvelles menaces pour la ville.

C’est surtout ce groupe sur lequel le maire réfléchissait, glissant une chaise près du mur de fond de la salle. Il était clair, pour lui, que ce groupe était plus tentaculaire que les autres dangers de Watertown. Le Fort Drum était une boîte de Pandore, ouverte et rapidement refermée. Les Hyènes ont fui pour lécher leurs plaies. Les serviteurs de Technoculus seraient toujours une menace, mais une menace distante. Les Trois, par contre…

C’était quoi, au juste, les Trois? Leur nom suggérait un trio de chefs, mais l’idée d’énumérer leur véritable nombre était un jeu bien trop dangereux. Non, c’était probablement autre chose. Trois groupes distincts? Des démembreurs cybernétiques, des esclavagistes et… …Et quoi? Quel était ce troisième groupe qui s’était soudé à un duo explosif et dangereux? Le vieil homme arrêta un moment pour réfléchir, regardant la salle sombre et morne dans laquelle il se tenait. Les lumières étaient tamisés, les tables et les chaises rangées. Bien sûr, il y avait encore quelques écrans d’ordinateurs allumés, mais le maire choisit de les laisser tels quels. Il les aimait bien ; ils lui rappelaient son enfance, son domicile avant d’être un vagabond. Il se rendit compte à ce moment précis qu’il avait aligné les tables et les chaises comme dans la cafétéria de son ancienne demeure. Malgré les décennies, il se souvenait encore de cet établissement. Ses murs d’acier, les portes coulissantes, l’odeur d’ozone dû au système de filtration d’air...

L’homme s’assit. Il déposa son fusil sur la table devant lui, et enleva son gant assisté. Il regarda ses mains, voyant les veines et les rides qui étaient présentes sur celles-ci. L’homme détacha ses jambières et les posa sur la table, les observant. Les deux avaient plusieurs hachures, comme si l’on voulait garder le compte d’un évènement particulier. L’une des jambières avait un soleil. L’autre, un croissant de lune. Il sourit doucement sous son foulard au soleil qu’il avait primitivement peinturé, fermant les yeux pour quelques instants.

Il se souvenait de son retour, et son exil de son domicile initial. Oh, comme il avait ragé, pleuré, sombré dans la dépression la plus totale. Il avait été leur sauveur, et il avait été abandonné. « Tu as changé. » lui avait dit celui qui l’a banni. « Tu n’es plus comme nous… Tu nous as sauvés, et tu ne peux plus jamais revenir parmi nous. » L’homme avait raison, au fond, se dit l’exilé qui deviendrait un jour le maire. Mais, cela ne l’empêcha pas d’abattre de sang froid celui qui lui avait refusé asile, au pied de la grande porte de voûte. Longtemps erra-il autour de son ancien chez-lui, sachant qu’il ne pouvait retourner mais le souhaitant néanmoins. Et puis, un jour… Des douzaines de gens avaient quittés, eux aussi, pour le rejoindre, lui. Le maire se souvint de leurs visages, comme ils se protégeaient du soleil impitoyable qui les aveuglait. Comme ils étaient drôles avec leurs chiennes de travail, sans armes, nus et vulnérables aux Terres Mortes. Comme ils étaient pareils à lui, quelques temps auparavant, quand il s’était porté volontaire pour sauver la communauté. Il avait compris à cet instant qu’il devait s’occuper d’eux. Créer un nouveau chez-lui. Un endroit où tous pourraient vivre en paix.

Le maire déposa la jambière avec le soleil, et saisit celle avec le croissant de lune, portant plusieurs hachures de moins que l’autre. Quand il guida les autres vers le nord pour y fonder leurs villages, ils n’avaient rien. Absolument rien. Tout a été fait à partir de zéro. Ils retournèrent à la nature, apprenant comment devenir des chasseurs, des pêcheurs et des cueilleurs. Ils fabriquèrent leurs maisons avec les ressources présentés à eux, et défendirent leur territoire contre les envahisseurs. Le mélange des connaissances modernes et les techniques primitives avaient fonctionné. Le regroupement était devenu un village. Une réelle communauté. Des enfants apparurent, la première génération née dans les Terres Mortes. Ils seraient plus forts, plus endurants et mieux adaptés à leur environnement. Le village entier éleva les enfants, pour qu’ils soient meilleurs que leurs prédécesseurs. Le maire se souvint de ses propres enfants. Un garçon, et une fille. Il se souvint quand il les avait tenus dans ses bras, comment il les éduqua. Et, comme à chaque jour, il se souvint de Pat. Il se souvint de son visage, ses yeux, ses pommettes… Encore, elle lui manquait. Elle lui manquerait jusqu’à la fin de ses jours, il semble. Il avait eu la chance d’avoir plusieurs alliés et partenaires de route. Mais, malgré tout, il se retrouva, à la fin, encore seul. Leurs noms et leurs visages passèrent tous dans sa tête. Que de souvenirs, que d’êtres merveilleux. Mutants, irradiés, tribaux, survivants, un chien sauvage qu’il l’avait adopté instantanément… Et Pat. Toujours, ils seraient là, l’accompagnant en esprit. Et elle serait là, en tête.

Et il se souvient de son départ du village. Il était leur Ancien, et le conseil refusa de se nommer Anciens à leur tour tant et aussi longtemps qu’il resterait vivant. Ses enfants étaient des adultes maintenant, avec leurs propres vies et leurs propres familles. Il n’avait plus rien à faire pour eux, ils étaient aussi heureux que les Terres Mortes peuvent le permettre. Alors, il donna un dernier adieu, et quitta pour toujours. C’est là qu’il monta, tranquillement, vers le nord. Il longea ce qui aurait autrefois été l’océan atlantique, rencontrant des communautés, des gens, des adversaires. Étrangement, la mort ne semblait pas s’intéresser à lui. Oh, il avait été blessé. Empoisonné, irradié, battu, tiré à bout portant, griffé, jeté sur des rochers… Mais jamais la Faucheuse ne s’est-t-elle présentée pour lui.

Et, alors que sa rêverie s’approcha des temps modernes, lorsqu’il rencontra Mag’Num et quand ils traversèrent ensemble le lit sec du Delaware pour monter vers Watertown, il s’accota et se permit de rêvasser, les yeux fermés. La porte à l’étage s’ouvrit, mais pas grâce à la clé. Plusieurs pas furtifs descendirent les marches de pierre solide. Lorsque les grandes portes s’ouvrirent sans bruit, le petit groupe d’assassins virent le maire, assis seul à table. Les néons étaient tamisés, projetant des ombres dans les recoins de la salle. Ils voyaient le corps recroquevillé du vieil homme, le coude accoté sur la table. Il semblait endormi. Voyait une occasion en or, le quatuor se glissa dans la salle pour s’approcher, et s’assurer d’un coup fatal.

C’est à ce moment que le maire réagit. Dégainant et tirant dans le même geste, il frappa un des quatre en pleine poitrine, un éclair d’énergie bleu et le son distinctif de la décharge d’énergie de l’arme retentit dans la salle. Le corps sursauta de surprise alors même qu’il se désintégra, laissant après une seconde un petit tas de cendres, un fusil automatique, quelques lambeaux de vêtements calcinés et une odeur de jambon cuit. Les trois autres, pris dans le cadre des portes, se jetèrent à plat ventre et un affrontement violent fit rage. Le maire eut à peine le temps de jeter la table derrière laquelle il s’était assis sur le côté pour tomber à la renverse, évitant ainsi la première volée de cartouches. Les assassins utilisèrent des silencieux, car le bruit était étouffé. Après la salve initiale et un moment de silence chargé, Les lumières se sont éteints. Dans l’obscurité totale, le maire réalisa que ces tueurs savaient les plans de l’endroit, et qu’ils étaient probablement prêts pour combattre dans l’obscurité.

Tant mieux, car lui aussi.

N’hésitant pas une seconde, il glissa de son sac une petite grenade et la dégoupilla. Il compta les trois secondes avant l’explosion, et attendit au dernier instant avant de la lancer droit vers le haut et derrière son épaule. Elle éclata dans un jet brillant de lumière, aveuglant les assassins qui portaient tous des lunettes pour voir dans le noir. Profitant de l’effet, le maire lança deux éclairs de saphir vers ses tueurs, les réduisant en poussière, et réalisa que le dernier avait pris la fuite. Sans doute pour alerter un second groupe. Ils étaient organisés, dangereux, efficaces. Bien sûr qu’ils étaient des Trois.

Le vieil homme se releva, et inspira doucement. Il prit le dernier en chasse sans hésitation, déterminé à savoir le fondement des Trois, et à quel niveau qu’ils avaient infectés la ville de Watertown. Chaque instant à alerter la milice serait une chance pour le tueur de s’enfuir dans la nuit. Poussé à l’action, il se jeta dehors et pris le dernier en chasse. Le prédateur était devenu la proie. Le vieux lion, bien qu’il ne rugisse pas, ne serait pas exilé de son territoire par des jeunes loups affamés.

Il était encore roi de son domaine.
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